Beurre...Mais pourquoi son prix flambe ?

Unadere_Hausse du prix du beurre

Le cours du beurre industriel s’affole pour atteindre des niveaux historiques. En vingt mois, son prix s’est envolé, passant de 2 500 € la tonne en avril 2016 à près de 6 900 € fin septembre 2017, et la hausse s’accentue depuis la fin de l’été. Une inflation spectaculaire qui a des conséquences ces dernières semaines sur certains produits transformés, en particulier les viennoiseries. Pourquoi le beurre fait-il grossir… les prix ? 

 

 

FIN DES QUOTAS ET HAUSSE MONDIALE DE LA DEMANDE

Plusieurs facteurs expliquent cette hausse spectaculaire. La fin des quotas laitiers en 2015, qui régulaient la quantité de lait et donc de ses produits dérivés (beurre, poudre de lait, lactosérum) présents sur le marché, a entraîné des cycles de variation de la production et de prix plus marqués. En clair, la fin de l’offre régulée en 2015 a d’abord provoqué une hausse du cheptel de vaches laitières, et donc la production de davantage de lait. Une profusion qui a eu pour conséquence une chute des prix du lait et une baisse de la production, moins rémunératrice, de -9 % en France et -7 % en Europe au premier trimestre 2017. Puis, tel un boomerang, une flambée du prix du beurre qui est venu à manquer et qui a même sensiblement fait remonter le prix du lait !

Ce premier facteur est accentué par une mauvaise saison de récolte des fourrages. Moins bien nourries, les vaches ont été moins productives et les stocks de beurre en Europe sont au plus bas. « Et l’importation de beurre d’autres contrées est quasi impossible car l’augmentation de la demande est mondiale. Les stocks ne sont pas plus importants chez les autres gros producteurs comme la Nouvelle-Zélande ou les États-Unis », précise Benoît Rouyer, économiste au Cniel (Centre national interprofessionnel de l’économie laitière).

On constate enfin une augmentation mondiale de la demande pour un produit qui bénéficie d’un retour en grace,  notamment auprès des Américains. Longtemps considéré outre-Atlantique comme l’ennemi juré de la santé cardiovasculaire, le beurre a notamment été réhabilité auprès du grand public par la désormais célèbre une du Time ornée d’une injonction claire : « Eat Butter » (« Mangez du beurre ») en 2014. Par ailleurs, le beurre séduit de plus en plus l’Orient et l’Extrême-Orient, désormais fondus de pâtisseries au beurre.

 

 

BÛCHES DE NOËL ET ESCARGOTS IMPACTÉS

Contrairement à ce que l’on pourrait penser de prime abord, les plaquettes de beurre ne sont pas les produits les plus impactés. Livrés en priorité par les producteurs, les supermarchés continuent à en vendre malgré des rayonnages plus clairsemés sans augmentation de prix flagrante. « L’inflation touche essentiellement le beurre industriel en vrac – généralement vendu sous forme de cube de 25 kilos aux artisans et industriels et négociés très fréquemment suivant des cotations hebdomadaires », analyse Benoît Rouyer. « En revanche, le prix du beurre au détail n’a augmenté que de 5,8 % sur la même période selon les dernières données de l’Insee publiées en août ». Le prix du beurre vendu au détail est en effet fortement amorti par des contrats très cadrés entre fournisseurs et distributeurs qui se négocient annuellement dès octobre et se finalisent en février. « Mais on pourrait voir un impact de la crise sur la nouvelle campagne de négociation qui démarre ces prochains jours », estime l’économiste.

Les secteurs les plus affectés sont donc ceux qui utilisent beaucoup de beurre, en premier lieu celui de la boulangerie-pâtisserie, artisanale et industrielle. « Un croissant, c’est 50 % de beurre », rappelle Matthieu Labbé, délégué général de la Fédération des entreprises de boulangerie (FEB) qui fut la première à tirer la sonnette d’alarme sur l’impossibilité pour le secteur de ne pas répercuter cette hausse sur le prix de vente des produits. « Si le coût du beurre continue de grimper, il faut être conscient que le prix des produits vendus aux consommateurs doit évoluer également », résume le professionnel, qui présume en sus d’un impact au moment de Noël sur les gâteaux de fêtes et notamment les bûches. Attention toutefois à se renseigner sur la composition des biscuits et gâteaux, surtout industriels, dont beaucoup sont à base d’huile végétale. Nulle raison a priori d’augmenter le prix de gâteaux à l’huile de palme ou de tournesol !

Plus confidentiel mais néanmoins fortement touché : le secteur des escargots. Dans un communiqué du 20 septembre, les héliciculteurs s’alarmaient de la hausse du prix du beurre qui risque de provoquer des ruptures d’approvisionnement pour les fêtes de fin d’année. En France, 4 700 tonnes de produits à base d’escargots sont produits chaque année, mettant en œuvre environ 1 500 tonnes de beurre. « La situation est catastrophique pour les fabricants d’escargots préparés en coquilles […]. La partie consommable d’un escargot beurré est en moyenne composée de 50 % de farce et de 50 % de chair d’escargot. Dans certaines préparations comme la recette à la bourguignonne, qui est la plus courante, la farce est réalisée essentiellement avec du beurre, assaisonné de persil, d’ail et de fines herbes », précise la profession.

 

LES VIENNOISERIES EN PREMIÈRE LIGNE

Si la Fédération des entreprises de boulangerie se garde de donner des consignes claires d’augmentation des prix, se bornant à parler « d’augmentation rapide et sensible » sans chiffrer, dans les faits nombre de boulangeries ont augmenté le prix de leurs viennoiseries de 5 à 10 centimes, ce qui s’avère substantiel sur des produits vendus autour de 1 €. Une somme assez conséquente qui en a poussé d’autres à reculer ou à développer d’autres stratégies. « Nous avons préféré augmenter le prix de la part de gâteau de 5 centimes car les viennoiseries sont des produits d’appel et les consommateurs sont davantage soucieux de leur prix », explique la gérante d’une boulangerie parisienne.